« Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, le malheur, la cruauté du monde,mais aussi sur la lumière, sur la beauté, sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l’avenir »
- Andrée Chedid.-

dimanche 16 octobre 2016

Transmettons la nature....


Autrefois, l'enfant qui venait au monde découvrait le sein de sa mère, un panier d'osier posé au coin du foyer ou au pied du lit de ses parents. Lorsqu'il commençait à faire ses premiers pas, il sortait jouer dans la cour avec quelques cailloux, un bout de bois et un peu de terre. En grandissant, ses yeux grandissaient avec lui : le bâton, attaché à une ficelle, devenait une canne à pêche, les cailloux une forteresse, la terre, les fortifications d'un château fort.
Avec trois cailloux, son imagination était capable de lever une armée.
Nos enfants ne sont pas différents de ceux d'autrefois. Leur imagination est tout aussi fertile, et leur joie de créer des mondes imaginaires tout aussi forte. Encore faudrait-il que nous leur en laissions la possibilité.
Mais quel est le rapport avec la nature ? Il est tout simple : dès la naissance, les parents se croient obligés (la société, la publicité, le “faire comme tout le monde” nous y pousse) d'acheter une foule d'objets tout prêts, destinés à éveiller l'enfant : portiques lumineux, tableaux parlants, et bien sûr, mini-ordinateurs premier âge. Ces jouets fascinent les enfants, car ils proposent un monde imaginaire tout fait, déjà installé. Pourtant, ce n'est pas ce que, au fond d'eux-mêmes, les enfants recherchent : souvenez-vous de la réaction du petit prince qui voulait qu'on lui dessine un mouton. Le mouton bien dessiné est “ déjà très malade ” ou “trop vieux”… Le seul qui trouve grâce à ses yeux c'est celui qui n'est pas dessiné. Celui qui se trouve dans la caisse. A lui de l'imaginer.
Vivre en harmonie avec la nature, ce n'est pas seulement faire une belle promenade dans la campagne. C'est aussi apprendre à refuser les plaisirs tout prêts, tout faits, si décevants, de la société de consommation. Avez-vous remarqué combien les enfants s'ennuient vite avec un château tout fait, une poupée trop belle ? Ils sont fascinés par ces jouets parfaits qui coûtent une fortune, mais ils les délaissent bien vite, et préfèrent deux bouts de ficelle, ou quatre couvertures pour se faire une cabane sur leur lit.
Apprendre aux enfants à vivre en harmonie avec la nature, c'est déjà leur apprendre à jouer avec leur imaginaire pour refuser d'entrer dans l'engrenage de la société de consommation.
Les enfants, qui, tout petits, sont inondés de jouets d’“éveil” (avons-nous si peu confiance en nos enfants ? Pensons-nous qu'ils sont incapables de s'éveiller naturellement ?), ce sont aussi ceux que l'on retrouve plus tard plantés plusieurs heures par jour devant un téléviseur ou un jeu vidéo.
Pourquoi ? Parce que, dans un monde où tout va vite, nous n'avons « plus le temps ». Prendre le temps, c'est vivre en harmonie avec la nature. Et comme nous n'avons plus le temps, la télé garde les enfants pendant que nous nous « reposons » devant notre ordinateur ou que nous sommes pendus au téléphone. Lorsqu'enfin nous éteignons le poste, nous nous plaignons que nos enfants s'ennuient, et ne savent plus trouver par eux-mêmes comment jouer simplement. Et pour cause… la télévision et l'ordinateur imposent des modèles imaginaires tout faits. Comment demander ensuite à un enfant d'être inventif quand on lui propose à longueur de journée une activité qui tue son imagination ?
Alors que la télé et les « jeux à piles » ont pris le dessus, ne demandons pas à nos enfants de s'émerveiller devant une fleur, de rester des heures à observer un nuage ou d'apprendre à planter des pommes de terre. Ces activités lui sembleront fades et inintéressantes, car il aura oublié ce que chuchote tout bas la nature : patience, attente et contemplation…
Transmettre la nature, c'est transmettre le sens de la vie. Derrière un écran, la vie est virtuelle. Dès que celui-ci s'éteint, le mal-être s'installe. La vie ne peut pas se construire sans contact avec la nature. Les tout-petits nous le disent comme ils le peuvent, mais nous avons cessé de les entendre : ils préfèrent jouer tout un après-midi avec un robinet d'eau et du sable, ils préfèrent s'endormir sur la peau de leur maman, plutôt que dans un transat luxueux, ils préfèrent se rouler dans la neige, se rouler dans l'eau, courir dans les feuilles mortes ou sauter dans une flaque, contempler le feu, plutôt que de jouer sur un parquet flottant aseptisé.
Lorsqu'ils s'attardent à contempler une fourmi alors qu'on a le bus à attraper au vol pour les emmener à la crèche, ils nous guident instinctivement vers la nature. Ils prennent leur temps, ils se moquent bien d'être tout sales. Et nous, nous pensons : « Je vais être en retard, dans quel état a-t-il mis son petit haut que j'ai acheté si cher à la boutique Tartampion… »
La nature n'est pas à la mode, et la nature se moque du temps qui passe.
Nous passons, elle demeure. A nous d'aller vers elle, comme les enfants savent le faire.
Les jeunes enfants sont bien plus sensibles que nous aux questions de l'environnement. Tout simplement parce qu'il leur est difficile de comprendre que des personnes soient capables de détruire la planète pour se remplir les poches d'argent. Ces notions les dépassent. Alors, lorsqu'on leur explique que 89 milliards de bouteilles plastique sont consommées chaque jour dans le monde, ce qui correspond à la hauteur de 20 tours Eiffel, il leur paraît évident et simple qu'il faut agir en triant, en recyclant, en… évitant d'acheter, en donnant ce qui n'est plus utile plutôt qu'en jetant.
Mais si ses journées ne sont qu'une succession d'instants composés d'objets achetés, vite consommés» puis jetés, l'enfant ne comprendra pas. Comparez :
16 heures : barre chocolatée à déplier, compote en tube, bouteille plastique de soda.
16 h 30 : télé.
18 heures : maman demande qu'on fasse les devoirs, tandis qu'elle répond à ses mails sur son ordi.
19 heures : bain, puis télé.
20 heures : le four à micro-ondes sonne l'heure du repas. Sur ta table trône une barquette en alu. La télé diffuse des informations. Les regards de toute la famille sont tournés vers l'écran.
21 heures : dodo, un peu de jeu sur la console avant de s'endormir.
Ou bien :
16 heures : un peu de pain et quelques carrés de chocolat.
16 h 30 : jeux en extérieur.
17 heures : les devoirs sur la table de la cuisine, maman raconte sa journée.
18 heures : bain. Maman demande d'aider à la préparation du repas.
20 heures : tout le monde est réuni dans la cuisine, on parle, on rit, on raconte sa journée autour d'un plat très simple, mais préparé ensemble.
20 h 30 : dodo. Papa lit une histoire et l'enfant regarde les images avant de s'endormir.
Soyons logique. On ne peut pas « transmettre la nature » si nos petites habitudes ne sont pas cohérentes avec Le message que l'on souhaite faire passer.
L'enfant pousse avec la nourriture affective qu'on lui donne. Si celle-ci est synthétique, ses désirs le seront aussi.
Avant de transmettre la nature, nous, citadins, avons malheureusement un chemin bien long avant de retrouver celui d'une vie plus simple….
“Vivons en Harmonie avec la nature” de Sioux Berger.

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